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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/288

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çons, qui estoient là attendant compagnie, pour passer par le pays des Honqueronons iusques à la traicte : car ce peuple des Honqueronons est malicieux, iusques là que de ne laisser passer par leurs terres au temps de la traicte, vn seul ou deux Canots à la fois ; mais veulent qu’ils s’attendent l’vn l’autre, et passent tous en flotte, pour auoir meilleur marché de leurs bleds et farines, qu’ils leur contraignent de traicter pour des pelleteries. Le lendemain matin arriuerent encor deux autres Ca-355||nots Hurons qui cabanerent auec nous ; mais pour cela personne n’osoit encore se hazarder de passer de peur d’vn affront. À la fin mes hommes s’aduiserent de me declarer Maistre et Capitaine de tous les deux Canots, et de la marchandise qui estoit dedans, pour pouuoir librement passer sans crainte, euiter l’insolence de ce peuple, et sans recevoir de detriment : ie leur promis, ie le fis, et ils s’en trouuerent bien : car, sans iactance, ie peux dire, que si ce n’eust esté moy qui mis le hola, ils eussent esté aussi mal-traictez que deux autres Canots que ie vis arriuer, qui n’estoient point de nostre bande.

Nous partismes donc de cette anse de terre, mais ayans vn peu aduancé chemin, nous apperceusmes deux cabanes de cette Nation, dressées en vn cul-desac en lieu eminent, d’où on pouuoit descouurir et voir de loin ceux qui passoient dans leurs terres. Mes Sauuages les voyans eurent opinion que c’estoient sentinelles posées, pour leur empescher le passage : ils tirerent celle part, et me prierent instamment de me coucher de mon long dans le Canot, pour n’estre apperceu de ces sentinelles, afin que ie peusse estre tes-355||moin oculaire et auriculaire du