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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/42

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lité y ont pris tels aduantages, que la suite de ce discours vous donnera en l’ame quelque compassion de la misere et aueuglement de ces pauures peuples, où ie vous feray voir quelles obligations nous auons à nostre bon Iesvs, de nous auoir deliurez de telles tenebres et brutalité, et poli nostre esprit iusqu’à le pouuoir cognoistre et aymer, et esperer l’adoption de ses enfans. Vous verrez comme en vn tableau de relief et en riche taille douce, la misere de la nature humaine, vitiée en son origine, priuée de la culture de la foy, destituée des bonnes mœurs, et en proye à la plus funeste barbarie que l’esloignement de la lumière celeste peut grotesquement conceuoir. Le recit vous en sera d’autant plus agreable par la diuersité des choses que ie vous raconteray auoir remarquées, pendant enuiron deux ans que i’y ay demeuré, que ie me promets que la compassion que vous prendrez de la misere de ceux 5|| qui participent auec vous de la nature humaine, tireront de vos cœurs des vœux, des larmes et des souspirs, pour coniurer le Ciel à lancer sur ces cœurs des lumieres celestes, qui seules les peuuent affranchir de la captiuité du Diable, embellir leurs raisons de discours salutaires, et polir leur rude barbarie de la politesse des bonnes mœurs, afin qu’ayans cogneu qu’ils sont hommes, ils puissent deuenir Chrestiens et participer auec vous de cette foy qui nous honore du riche titre d’enfans de Dieu, cohéritiers auec nostre doux Iesvs, de l’heritage qu’il nous a acquis au prix de son sang, où se trouuera cette immortalité veritable, que la vanité d’Appollonius apres tant de voyages, n’auoit pu trouuer en terre, où aussi elle n’a garde de se pouuoir trouuer.