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et que doresnauant il n’y auroit plus de pouuoir, et que le seul et vray Dieu y seroit recogneu et adoré.

Ayant laissé notre grand vaisseau au port, et donné ordre pour la pesche de la Moluë, nous nous embarquasmes dans une pinace nommée la Magdeleine, pour aller à Tadoussac, la voile au vent, et le cap estant doublé seulement au troisiesme 42|| iour, à cause des des vents et marées contraires, nous passasmes tousiours costoyans à main gauche, la terre qui est fort haute, et ensuite les Monts nostre Dame, pour lors encore en partie couuerts de neige, bien qu’il n’y en eust plus partout ailleurs. Or les matelots qui ordinairement ne demandent qu’à rire et se recreer, pour adoucir et mettre dans l’oubli les maux passez, font icy des ceremonies ridicules à l’endroict des nouveaux venus, (qui n’ont encore pu estre empeschées par les Religieux) vn d’entr’eux contrefait le Prestre, qui feint de les confesser, en marmottant quelques mots entre ses dents, puis auec vne gamelle ou grand plat de bois, luy verse quantité d’eau sur la teste, auec des ceremonies dignes des Matelots ; mais pour en estre bien-tost quittes, et n’encourir une plus grande rigueur, il se faut racheter de quelque bouteille de vin, ou d’eau de vie, ou bien il se faut attendre d’estre bien mouillé. Que si on pense faire le mauuais ou le retif, l’on a la teste plongée iusques par sous les espaules, dans vn grand bacquet d’eau qui est là disposé tout exprez, comme je vis faire à vn grand garçon qui pensoit résister en la 43|| presence du Capitaine, et de tous ceux qui assistoient à cette cérémonie ; mais comme le tout se faict selon leur coustume ancienne, par recreation : aussi ne veulent-ils point que l’on se