Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/66

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toit tellement pleine de Baleines, qu’à la fin elles nous estoient fort importunes, et empeschoient nostre repos par leur continuel tracas, et le bruit de leurs esuents. Nos Matelots y pescherent grande quantité de Homars, Truites et autres diuerses especes de poissons ; entre lesquels y en auoit de fort laids, et qui ressembloient aux crapeaux.

Toute cette contrée de terre est fort montagneuse et haute presque par tout, ingrate et sterile, n’y ayant rien que des Sapiniers, Bouleaux, et peu d’autres bois. Deuant la rade, en vn lieu vn peu esleué, on a fait vn petit jardin, que les Matelots cultiuent quand ils sont arrinez là, ils y sèment de l’ozeille et autres petites herbes, lesquelles seruent à faire du potage : ce qu’il y a de plus commode et consolatif, apres la pesche et la chasse qui est médiocrement bonne, est un beau ruisseau d’eau douce très-bonne à boire, qui descend au port dans la mer, de dessus les 41|| hautes montagnes qui sont à l’opposite, sur le coupeau desquelles me promenant par-fois, pour contempler l’emboucheure du grand fleuue Sainct Laurent, par lequel nous devions passer pour aller à Tadoussac : apres auoir doublé cette langue de terre et Cap de Gaspé, i’y vis quelques leuraux et perdrix, comme celles que i’ay veuës du depuis dans le pays de nos Hurons : et comme ie désirois m’employer tousiours à quelque chose de pieux, et qui me fournit d’vn renouuellement de ferueur à la poursuite de mon dessein, ie grauois auec la poincte d’vn cousteau dans l’escorce des plus grands arbres, des Croix et des noms de Iesvs, pour signifier à Satan et à ses supposts, que nous prenions possession de cette terre pour le Royaume de Iesus-Christ,