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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/71

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autres à coudre leurs escuelles d’escorces, et faire plusieurs autres petites ioliuetez auec des poinctes de porc-espics, teintes en rouge cramoisi. À la vérité ie trouuai leur manger maussade et fort à contre-cœur, comme n’estant accoustumé à ces mets sauuages, quoy que leur courtoisie et ciuilité non sauuage m’en offrit, comme aussi d’vn peu d’eau de riuiere à boire, qui estoit là dans vn chaudron fort mal net, de quoy ie les remerciay humblement. Apres, ie m’en allay au port par le chemin de la forest, auec quelques Fran-48||çois que i’auois de compagnie : mais à peine y fusmes-nous arriuez, et entrez dans nostre barque, qu’il pensa nous y arriuer quelque disgrace. Ce fut que le principal Capitaine des Sauuages, que nous nommons la Forière, estant venu nous voir dans nostre barque, et n’estant pas content du petit present de figues que nostre Capitaine luy auoit faict au sortir du vaisseau, il les ietta dans la riuiere par despit, et aduisa ses Sauuages d’entrer tous fil-à-fil dans nostre barque, et d’y prendre et emporter toutes les marchandises qui leur faisoient besoin, et d’en donner si peu de pelleteries qu’ils voudroient, puis qu’on ne l’auoit pas contenté. Ils y entrerent donc tous auec tant d’insolence et de brauade, qu’ayans eux-mesmes ouuert l’escoutille, et tiré hors de dessous les tillacs ce qu’ils voulurent, ils n’en donnerent pour lors de pelleterie qu’à leur volonté, sans que personne les en peust empescher ou resister. Le mal pour nous fut d’y en auoir trop laissé entrer à la fois, veu le peu de gens que nous estions, car nous n’y estions lors que six ou sept, le reste de l’equipage ayant esté enuoyé ailleurs : c’est ce qui fit 49|| filer doux à nos gens, et les laisser ainsi