Aller au contenu

Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 38 —

tes choses qui tesmoignoient la bonté de la terre. Nostre petit couuent est à demye lieuë de là, en vn tres-bel endroict, et autant agreable qu’il s’en puisse trouuer, proche vne petite riuiere, que nous appelions de Sainct Charles, qui a flux et reflux, là où les Sauuages peschent vne infinité d’anguilles en Automne, et les François tuent le gibier qui y vient à foison : les petites prairies qui la bordent sont esmaillées en Esté de plusieurs petites fleurs, particulierement de celles que nous appelions Cardinales et des Mattagons, qui portent quantité de fleurs en vne tige, qui a prés de six, sept et huict pieds de haut, et les Sauuages en mangent l’oignon cuit sous la cendre qui est assez bon. Nous en auions apporté en France, auec des plantes de Cardinales, comme fleurs rares, mais elles n’y ont point profité, ny paruenu à la perfection, comme elles sont dans leur propre climat et terre natale.

Nostre jardin et verger est aussi tres-56||beau, et d’vn bon fond de terre ; car toutes nos herbes et racines y viennent tres-bien, et mieux qu’en beaucoup de jardins que nous auons en France, et n’estoit le nombre infiny de Mousquites et Cousins qui s’y retrouuent, comme en tout autre endroict de Canada pendant l’Esté, ie ne sçay si on pourroit rencontrer vne plus agreable demeure : car outre la beauté et bonté de la contrée auec le bon air, nostre logis est fort commode pour ce qu’il contient, ressemblant neantmoins plustost à vne petite maison de Noblesse des champs, que non pas à vn Monastère de Frères Mineurs, ayans esté contraincts de le bastir ainsi, tant à cause de nostre pauureté, que pour se fortifier en tout cas contre les Sauuages, s’ils vouloient nous en dechasser. Le corps