Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/89

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les Oracles, et predire ou apprendre quelque chose de leur Maistre. Ils sont aussi coustumiers à donner des sorts et de certaines maladies, qui ne se guérissent que par autre sort et remede extraordinaire, dont il y en a, du corps desque’s sortent des serpents et des longs boyaux, et quelquefois seulement à demy, puis rentrent, qui sont toutes choses diaboliques, et inventées par ces malheureux Sorciers : et hors ces sorts magiques, et la communication qu’ils ont auec les Demons, ie les trouuois fort humains et courtois.

Ce fut en ce village, ou par mesgard, le perdis, à mon tres-grand regret, tous les memoires que i’avois faits, des pays, chemins, rencontres et choses remarquables que nous auions veuës depuis Dieppe en Normandie, iusques-là, et ne m’en apperceuz qu’à la rencontre de deux Canots 75|| de Sauuages, de la Nation du Bois : cette Nation est fort esloignée et dependante des Cheueux Releuez, qui ne couurent point du tout leur honte et nudité, sinon pour cause de grand froid et de longs voyages, qui les obligent à se seruir d’vne couuerture de peau. Ils auoient à leur col de petites fraises de plumes, et leurs cheueux accommodez de mesme parure. Leur visage estoit peint de diuerses couleurs en huile, fort ioliuement, les vns estoient d’vn costé tout vert, et de l’autre rouge : autres sembloient auoir tout le visage couuert de passements naturels, et autres tout autrement. Ils ont aussi accoustumé de se peindre et matachier, particulierement quand ils doivent arriver, ou passer par quelqu’autre Nation, comme auoient faict mes Sauvages arriuans aux Squekaneronons : c’est pour ce suiect qu’ils portent de ces