Aller au contenu

Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 52 —

peintures et de l’huile auec eux en voyageans, et aussi à cause des festins, dances, ou autres assemblées, afin de sembler plus beaux, et attirer les yeux des regardans sur eux.

Vne iournée, apres auoir trouué ces Sauuages, nous nous arrestames quelque temps en vn village d’Algoumequins, et 76|| y entendant vn grand bruit, ie fus curieux de regarder par la fente d’vne Cabane, pour sçauoir que c’estoit, là où ie vis au dedans (ainsi que i’ay veu du depuis par plusieurs fois aux Hurons, pour semblables occasions) vne quantité d’hommes, my-partis en deux bandes, assis contre terre, et arrangez des deux costez de la Cabane, chaque bande auoit deuant soy vne longue perche plate, large de trois ou quatre doigts, et tous les hommes ayans chacun vn baston en main, en frappoient continuellement ces perches plates, à la cadence du son des Tortuëes, et de plusieurs chansons qu’ils chantaient de toute la force de leur voix. Le Loki ou Medecin, qui estoit au haut bout auec sa grande Tortuë en main, commençoit, et les autres à pleine teste poursuyuoient, et sembloit vn sabbat et vne vraye confusion et harmonie de Demons. Deux femmes cependant tenoient l’enfant tout nud, le ventre en haut proche d’eux, vis à vis du Loki, à quelque temps de là le Loki à quatre pattes, s’approchoit de l’enfant, auec des cris et hurlemens comme d’vn furieux Taureau, puis le souffloit enuiron les parties naturelles, et après recommençoient 77|| leur tintamarre et leur ceremonie, qui finit par vn festin qui se disposait au bout de la Cabane : de sçauoir que deuint l’enfant, et s’il fut guery ou non, ou si on y adiousta encore