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Page:Saigey - Les Sciences au XVIIIe siècle.djvu/228

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SUPPRESSION DE L’ACADÉMIE.

Il fit décider que les membres « de la ci-devant Académie des sciences » auraient du moins le droit de s’assembler sans titre officiel dans le lieu ordinaire de leurs séances pour traiter des différents objets qui leur seraient déférés par la Convention. Le décret portait que les scellés mis sur les papiers et registres de la compagnie seraient levés, et que les attributions annuelles faites aux savants qui la composaient leur seraient payées comme par le passé, jusqu’à ce qu’il en eût été autrement ordonné.

Les académiciens ne jugèrent point qu’il fût prudent de profiter de cette espèce de tolérance ; ils se dispersèrent et cherchèrent pour la plupart à se faire oublier. On sait qu’ils n’y réussirent pas tous ; plus d’un fut atteint dans sa retraite par les tribunaux révolutionnaires.

Quelques-uns seulement restèrent en relation avec le Comité de salut public, et maintinrent les droits de la science dans ce redoutable voisinage. De ce nombre fut Berthollet. Il conserva la confiance du terrible comité sans l’acheter par aucune condescendance, comme en témoigne cet épisode par lequel nous terminerons cette étude. Peu de jours avant le 9 thermidor, on trouva un dépôt suspect dans une barrique d’eau-de-vie destinée à l’armée. Les fournisseurs sont aussitôt arrêtés, la passion populaire les accuse d’empoisonnement, et l’échafaud se dresse déjà devant eux. Cependant Berthollet examine l’eau-de-vie et la déclare pure de tout mélange. « Tu oses soutenir, lui dit Robespierre, que cette eau-de-vie ne contient pas de poison ? » Pour toute réponse Berthollet en avale un verre en disant : « Je n’en ai jamais tant bu ! — Tu as bien du courage ! s’écrie Robespierre. — J’en ai eu davantage, dit Berthollet, quand j’ai signé mon rapport. »