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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

Quant à Voltaire, son génie était capable de mener de front toutes les études et tous les travaux. Il écrit à ses amis de Paris, à Cideville, à Thiriot, au comte d’Argental : « Nous étudions le divin Newton à force. Vous autres, vous n’aimez que les opéras. Eh ! pour Dieu ! aimez les opéras et Newton. C’est ainsi qu’en use Émilie. » Et encore : « J’aime les gens qui savent quitter le sublime pour badiner. Je voudrais que Newton eût fait des vaudevilles, je l’en estimerais davantage. Celui qui n’a qu’un talent peut être un grand génie, celui qui en a plusieurs est plus aimable. » Il écrit encore à Cideville : « Newton est ici le dieu auquel je sacrifie, mais j’ai des chapelles pour d’autres divinités subalternes. »

Il y a cependant des moments où la physique et la géométrie l’absorbent complétement ; l’époque de sa plus grande ferveur est entre les années 1736 et 1738. Les travaux littéraires sont alors délaissés par instants. Il écrit à Thiriot : « Les comédiens comptaient qu’ils auraient une pièce de moi cet hiver, mais ils ont très-mal compté. Je me casse la tête contre Newton et je ne pourrais pas à présent trouver deux rimes. » M. d’Argental et son frère, M. de Pont-de-Veyle, le pressent du moins de corriger l’Enfant prodigue, qui n’a besoin que d’être revu pour être remis aux comédiens. Il leur répond : « Je vis en philosophe, j’étudie beaucoup, je tâche d’entendre Newton et de le faire entendre. Il n’y a pas moyen de refondre à présent l’Enfant prodigue. Je pourrais bien travailler à une tragédie le matin et à une comédie le soir ; mais passer en un jour de Newton à Thalie, je ne m’en sens pas la force. Attendez le printemps, messieurs, la poésie servira son quartier, mais à présent c’est le tour de la physique. Si je ne réussis pas avec Newton, je me consolerai bien vite avec vous. »