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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

Voltaire se prêtait à une œuvre de cette nature. La clarté, la simplicité du style y sont en effet les premières qualités requises, et les vérités scientifiques ne brillent jamais d’un si vif éclat que quand elles sont débarrassées de tout ornement étranger.

Voltaire à ce sujet avait à réagir contre les mauvaises habitudes de ses contemporains. Fontenelle avait eu un grand succès en prêtant à la science des ajustements élégants ; il était d’ailleurs tombé parfois dans l’afféterie, et ses imitateurs, comme il arrive toujours, avaient outré plutôt ses défauts que ses qualités. Pour parler de science au public, on employait un langage affecté et maniéré. Écoutez la leçon que Voltaire donne à ce sujet aux écrivains de son temps. Peut-être elle peut encore servir à plus d’un. Micromégas, le géant voyageur venu de l’étoile Sirius, cause avec le secrétaire de l’Académie de la planète Saturne. « Il faut avouer, dit le géant, que la nature est bien variée. — Oui, dit le saturnien, la nature est comme un parterre dont les fleurs… — Ah ! dit l’autre, laissez là votre parterre. — Elle est, reprit le secrétaire, comme une assemblée de blondes et de brunes, dont les parures… — Eh ! qu’ai-je à faire de vos brunes ? dit l’autre… — Elle est donc comme une galerie de peintures dont les traits… — Eh non ! dit le voyageur, encore une fois la nature est comme la nature. Pourquoi lui chercher des comparaisons ? — Pour vous plaire lui répondit le secrétaire. — Je ne veux point qu’on me plaise, répondit le voyageur, je veux qu’on m’instruise. » Ce secrétaire de l’Académie de Saturne, ainsi mis en scène dans le roman de Micromégas, « homme de beaucoup d’esprit, qui n’avait à la vérité rien inventé, mais qui rendait un fort bon compte des inventions des autres, qui faisait passablement de petits vers et de grands calculs, » n’était rien autre que M. de Fontenelle,