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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

les quarante qui ont mis leurs archives en trente et un volumes, l’Académie des sciences en a bien moins. « Si l’on a fait le quiproquo, dit-il, il faut vite acheter les volumes des pièces qui ont remporté les prix à la véritable académie, et je vous renverrai les ennuyeux compliments de la pauvre Académie française. Franchement il serait dur d’avoir des compliments, que je ne lis pas, au lieu des bons ouvrages dont j’ai besoin[1]. »

Moussinot ne recevait pas seulement des railleries de ce genre, il était chargé aussi de commissions plus sérieuses : il avait ordre, — est-ce par hasard ? — de faire des avances d’argent à plusieurs savants de l’Académie qui se trouvaient dans une position embarrassée. Voltaire songeait à tout, et il estimait sans doute que ces petits moyens ne pouvaient pas nuire à sa candidature.

Aussi bien les indications que nous venons de donner et les détails dans lesquels nous sommes entré peuvent faire juger qu’il avait de véritables titres à figurer dans le corps officiel des savants de l’époque, et nous ne voyons pas qu’il eût fait trop mauvaise figure à côté des Clairaut et des Maupertuis[2].

  1. Il faut avouer que Voltaire n’exprima pas toujours une si bonne opinion au sujet des mémoires de l’Académie des sciences. Dans le roman de Candide, le vieux philosophe Martin, visitant la bibliothèque du sénateur vénitien Pococurante, s’écrie : « Ah ! voilà quatre-vingts volumes de recueils d’une académie des sciences ; il se peut qu’il y ait là du bon. — Il y en aurait, répond Pococurante, si un seul des auteurs de ce fatras avait inventé seulement l’art de faire des épingles ; mais il n’y a dans tous ces livres que de vains systèmes et pas une seule chose utile. » Candide ne fut publié qu’en 1767, et à cette époque la ferveur scientifique de Voltaire était passée depuis longtemps. Il n’avait plus en tous cas les motifs d’admiration que nous signalons ici.
  2. À l’appui de l’opinion que Voltaire songea un instant à faire partie de l’Académie des sciences, nous pouvons encore invoquer le témoignage de