Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/323

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L’adorable merveille au monde est peu semée !
Il faut que l’esclat de mes vers
Vous montrant à tout l’univers
Éblouisse toutes les ames,
Et que je peigne avec des flames
Deux nouveaux astres descouvers.

Il faut que dans cette peinture
Dont l’art doit estre sans pareil,
Un sacrifice du soleil
Soit fait à vostre honneur des mains de la nature ;
Il faut que les autres beautez,
Où vivent ses feux empruntez,
S’eclipsent après mon ouvrage,
Et que d’un lumineux outrage
J’efface toutes les clartez :

Mais, ô vifs tresors de lumiere,
Sources d’appas estincelans,
Vous poussez des traits si brûlans
Qu’à peine soustient-on leur atteinte premiere :
À peine, comblé de plaisir,
Ay-je l’agreable loisir
De voir l’esclair de vos prunelles,
Que dans les miennes criminelles
Je sens foudroyer mon desir.

Ouy, criminelles je les nomme,
Et bien dignes d’aveuglement,
D’oser se tourner seullement
Vers des objets trop hauts pour les regards d’un homme ;
Les dieux seuls peuvent aspirer
À la gloire de se mirer
En de si precieuses glaces,
Et moy, sur de plus humbles traces,
À l’honneur de vous adorer.