Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/368

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Voyez un peu comme icy tout se change !
Comme du blasme on passe à la louange !
Je vous croyois infames autrefois,
Et maintenant je vous donne ma vois ;
J’eusse juré qu’au front des seuls theatres
Les francs badauts, des farces idolastres,
Les sots laquais et les vils crocheteurs,
Se montreroient vos seuls admirateurs ;
Et cependant, forcé de m’en desdire,
Tout le premier j’en estouffe de rire ;
Je vous cheris, je vous approuve en vers,
Et hors d’Envers j’en veux faire à l’envers.
Hymnes sacrez, piteuses elegies.
Stances d’amour, joviales orgies,
Odes sans pair, doux et graves sonnets,
Vous n’estes plus que chants à sansonnets :
Un seul rondeau vaut un poëme epique[1] ;
Un seul rondeau vous fait à tous la nique,
Et l’epigrame, à sa comparaison,
N’est qu’un labeur sans rime et sans raison.
Ha ! je voy bien qu’en ce siecle malade
Pour plaire au goust il faut que la balade[2],

  1. Ce vers est l’original ironique du vers trop sérieux de Boileau :

    Un sonnet sans défauts vaut seul un long poème.

  2. À la suite du rondeau, ramené par Voiture, sont venus en effet la ballade, le chant royal et le triolet ; mais Voiture ne vit pas la vogue du triolet, qui ne repartit qu’a la fin de 1648, année de sa mort, et qui fourmille dans les Sottisiers, surtout en 1649 et depuis cette époque. Boileau croit a tort avoir vu des triolets dans Marot :

    Marot bientôt après fit fleurir les ballades,
    Tourne des triolels…

    Sarasin, dans sa Pompe funèbre de Voiture, montre le Triolet