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Page:Saint-Amant - 1907.djvu/219

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Mais, ô quelle merveille ! à peine l’angélique
Sur le neveu mordu l’oncle pieux applique,
A peine du seul linge sent-il l’attouchement,
Qu’il se voit hors de mal, de fièvre et de tourment.
Aussitôt il se lève, et d’une belle audace,
Regardant le reptile étendu sur la place,
Semble ne demander qu’un ennemi nouveau
Pour refaire un combat plus sanglant et plus beau.
Ses esprits recouverts, ses forces revenues
S’élèvent en son cœur jusqu’au-dessus des nues.
Et dans le haut désir dont son bras est touché.
De sa propre victoire il est presque fâché.

Après ces mouvements qu’en son âme suggère
L’honorable dessein d’obliger la bergère,
D’acquérir son estime, et d’un vœu solennel
Servir de plus en plus au salut fraternel,
Il passe au monstre mort, l’horrible tête en coupe,
Et, formant de gazon une petite croupe *,
Y dresse un fier trophée auprès du saint enfant,
Qui dans le berceau même est rendu triomphant ;
Puis sous le gré de l’oncle et de l’œil qu’il adore.
De l’œil qu’à son sujet il voit humide encore.
Et dont pourtant la joie enflamme les appas.
Il songe pour eux tous au simple et gai repas.

La figue au jus de miel, prise sur l’arbre même.
Corsant * le noble tronc, il ose aller cueillir.
Non sans faire de peur la belle tressaillir.
Qui, pâle du danger où l’amant se hasarde,