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2 06 SAINT-AMANT

Quand du vieux Pharaon la fille auguste et belle,

Et dissemblable en tout à ce père infidèle,

A ce cruel tyran qui ne méritait pas

L’heur d’avoir engendré ce miracle d’appas ;

Quand, dis-je, cette nymphe, aux plaisirs attirée,

Ou plutôt par le Ciel saintement inspirée.

Voulut aller jouir de la fraîcheur des eaux.

Des beautés de la plaine et du chant des oiseaux.

Mais, ô divine Muse ! avant que d’entreprendre Le salut de Moïse, où ma plume doit tendre. Disons de cette reine et la vie et les mœurs ; Célébrons ses vertus, décrivons ses humeurs. Son séjour, ses ébats, ses grâces nonpareilles Et le rare entretien qui charma ses oreilles ; Puis, l’ayant faite ainsi noblement divertir. Je te réclamerai pour la faire sortir.

Assez près de Memphis, et sur le beau rivage De cet immense fleuve utile en son ravage. Qui baigne ses guérets et supplée au défaut De l’humide secours qu’ailleurs on a d’en haut, S’élevait la beauté d’un royal édifice Dont l’exquise matière égalait l’artifice, Et que le grand Joseph, envers qui ses germains Furent, pour son bonheur, autrefois inhumains. Fit richement bâtir pendant l’état auguste De sa haute fortune et si longue et si juste, Afin d’aller parfois y donner à ses sens L’honnête liberté des plaisirs innocents,