Page:Saint-Amant - 1907.djvu/24

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Ronsard ; Saint-Amant, moins heureux, a fléchi sous le poids du Moïse pourtant bien moins mauvais, et même rempli de beaux vers et de beaux couplets. Un verre ne doit pas contenir plus de vin que le buveur n’en peut boire d’une haleine ; un poème ne doit pas être si long qu’on ne le puisse lire en une séance. Il en est ainsi du moins, à notre goût, depuis le XVIe siècle, depuis la Jérusalem, et si Goethe a rompu la règle, cela ne fait rien. Victor Hugo, lui-même, n’a plus osé le grand poème et pourtant, s’il l’eût osé, il l’eût accompli avec un bonheur homérique.

Il faut cependant reconnaître que, de tous les grands poèmes français modernes, le Moïse sauvé est le seul qui ait gardé quelque fraîcheur, quelque apparence de vie. Il vit gauchement, mais il vit encore. Il n’y a plus dans la Semaine de Du Bartas que des vers isolés, souvent d’une puissante beauté, que des détails curieux ; il y a dans le Moïse des épisodes complets qui se lisent avec plaisir. Sainte-Beuve a dit : « L’écueil du Moïse est d’être ennuyeux. » C’est tout le contraire. Par une sorte de miracle, dont Saint-Amant, tout de même, doit