Page:Saint-Amant - 1907.djvu/61

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N’est plus suivi que de son ombre,
Encore va-t-elle à côté.

L’un de parler est tout ravi,
Vu qu’il manquait jadis de langue,
Et fait à Dieu, qu’il a servi,
Son humble et première harangue ;
L’autre, qui jamais du soleil
N’avait vu l’éclat nonpareil,
Pour être aveugle de naissance,
Admire à présent sa couleur,
Dont il ignorait la puissance,
Bien qu’il en connût la chaleur.

Bref, en cette apparition,
Ceux qui bienheureux doivent être
Sans aucune imperfection
Je me figure voir renaître.
Mais les méchants désespérés,
Pour qui déjà sont préparés
De l’enfer les tourments énormes,
Ne se représentent à moi
Que si hideux et si difformes
Que mon âme en transit d’effroi.

Il m’est avis qu’en même endroit
Je vois la divine balance
Peser et le tort et le droit
Sans faveur et sans violence.