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Page:Saint-Amant - 1907.djvu/70

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Si ton jugement animé
Contre ma flamme légitime
Tient que tout excès est un crime,
J’ai failli, car j’ai trop aimé…

Ainsi, las de courir et vaincu de tristesse,
De voir que par sa dame il l’était en vitesse,
Le pauvre Lyrian s’abandonne aux regrets,
Lâche de sa vigueur les mouvements secrets,
Renonce à la constance, et, dans son âme outrée
Le sanglant désespoir ayant fait son entrée,
Comme fait un tyran dans quelque lieu forcé
Où la confusion a tout bouleversé,
Invoque les démons, profère maint blasphème,
Conservant toutefois en cette rage extrême
Le respect de Sylvie, et faisant son effort
A faire vivre Amour au milieu de la mort.
Celui qui pour Daphné se vit en même peine,
Et ce dieu des bergers qui jadis hors d’haleine,
Pensant prendre Syringe au bord des claires eaux,
N’embrassa pour un corps que de frêles roseaux,
Eurent tant de pitié de ce qu’en son martyre
Un juste sentiment alors lui faisait dire,
Qu’éveillant leur colère à ce tragique objet,
Ils jurèrent soudain d’en punir le sujet.
L’effet suit la menace : on la voit transformée,
Cette ingrate beauté, si vainement aimée ;
Chacun de ses cheveux se hérisse en rameau,