Page:Saint-Amant - 1907.djvu/72

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Si j’osais espérer qu’au moins après la mort
J’obtinsse quelque jour un pareil réconfort !
Mais, au contraire, hélas ! vos rigueurs sont si grandes
Que j’ai beau les flatter des plus dignes offrandes ;
Je crois qu’elles voudraient que je fusse immortel.
Afin tant seulement que mon ennui fût tel.


LES VISIONS
A Damon.



Le cœur plein d’amertume et l’âme ensevelie
Dans la plus sombre humeur de la mélancolie,
Damon, je te décris mes travaux intestins,
Où tu verras l’effort des plus cruels destins
Qui troublèrent jamais un pauvre misérable,
A qui le seul trépas doit être désirable.
Un grand chien maigre et noir, se traînant lentement,
Accompagné d’horreur et d’épouvantement,
S’en vient toutes les nuits hurler devant ma porte,
Redoublant ses abois d’une effroyable sorte.
Mes voisins, éperdus à ce triste réveil,
N’osent ni ne sauraient rappeler le sommeil ;
Et chacun, le prenant pour un sinistre augure,
Dit avec des soupirs tout ce qu’il s’en figure.
Moi, qu’un sort rigoureux outrage à tout propos,