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Page:Saint-Amant - 1907.djvu/73

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Et qui ne puis goûter ni plaisir ni repos,
Les cheveux hérissés, j’entre en des rêveries
De contes de sorciers, de sabbat, de furies :
J’erre dans les enfers, je rôde dans les cieux ;
L’âme de mon aïeul se présente à mes yeux,
Ce fantôme léger, coiffé d’un vieux suaire,
Et tristement vêtu d’un long drap mortuaire,
A pas affreux et lents s’approche de mon lit ;
Mon sang en est glacé, mon visage en pâlit.
De frayeur mon bonnet sur mes cheveux se dresse,
Je sens sur l’estomac un fardeau qui m’oppresse.
Je voudrais bien crier, mais je l’essaie en vain ;
Il me ferme la bouche avec sa froide main ;
Puis d’une voix plaintive en l’air évanouïe,
Me prédit mes malheurs, et longtemps, sans ciller,
Murmurant certains mots funestes à l’ouïe,
Me contemple debout contre mon oreiller.
Je vois des feux volants, les oreilles me cornent ;
Bref, mes sens tout confus l’un l’autre se subornent
En la crédulité de mille objets trompeurs,
Formés dans le cerveau d’un excès de vapeurs,
Qui s’étant emparé de notre fantaisie,
La tourne moins de rien en pure frénésie.

Souvent tout en sueur je m’éveille en parlant,
Je saute hors du lit, l’estomac pantelant,
Vais prendre mon fusil*, et d’une main tremblante
Heurtant contre le fer la pierre étincelante,