Page:Saint-Amant - 1907.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

S’apparurent à moi ces visions funèbres,
M’étant évanoui, comme je l’ai décrit,
De l’extrême frayeur qui troubla mon esprit,
Et ces gens essayant d’une inutile peine
A me restituer la chaleur et l’haleine,
Un d’entre eux s’ avisant de me donner du vin,
Bacchus, que j’ai tenu toujours plus que divin,
Réveillant tout à coup ma vigueur coutumière,
Fit résoudre mes yeux à revoir la lumière.
Alors, comme en sursaut je me lève tout droit* ;
Représentant au vif un mort qui reviendroit ;
Puis, regardant partout d’une vue égarée,
Je m’efforce à leur dire en voix mal assurée :
Fantômes (car d’effroi je les prenais pour tels),
Quel plaisir avez-vous à troubler les mortels ?
Quel sujet vous amène à ces heures nocturnes ?
Qui vous a fait quitter vos manoirs taciturnes ?
Mes badauds, ébahis d’entendre ce propos,
Haut allemand pour eux, jouant au plus dispos,
En chemise et nu pieds, sans m’user de langage,
Vers le degré prochain troussent vite bagage.
Disent que je suis fou, qu’il y fait dangereux,
Emportent la chandelle et barrent l’huis sur eux,
Si qu’à peine mon œil les put bien reconnaître,
Que comme un tourbillon il les vit disparaître.

La lune, dont la face alors resplendissait,
De ses rayons aigus une vitre perçait,