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Page:Saint-Amant - 1907.djvu/77

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Avec ses rayons d’or si beaux et si luisants,
Que pour me faire voir des objets déplaisants.
Sa lumière, inutile à mon âme affligée,
La laisse dans l’horreur où la nuit l’a plongée ;
La crainte, le souci, la tristesse et la mort,
En quelque lieu que j’aille, accompagnent mon sort.
Ces grands jardins royaux, ces belles Tuileries,
Au lieu de divertir mes sombres rêveries,
Ne font que les accroître et fournir d’aliment
A l’extrême fureur de mon cruel tourment.
Au plus beau de l’été je n’y sens que froidure,
Je n’y vois que cyprès, encore sans verdure,
Qu’arbres infortunés tout dégouttant de pleurs,
Que vieux houx tout flétris et qu’épines sans fleurs.
L’écho n’y répond plus qu’aux longs cris de l’orfraie*
Dont le mur qui gémit en soi-même s’effraie ;
Le lierre tortu qui le tient enlacé,
En frémissant d’horreur, en est tout hérissé,
Semblable en sa posture à ces enfants timides
Qui, le corps tout tremblant et les yeux tout humides,
Embrassent leur nourrice alors que quelque bruit
Les va dedans leur couche épouvanter la nuit.
Si j’y rencontre un cerf, ma triste fantaisie
De la mort d’Actéon est tout soudain saisie ;
Les cygnes qu’on y voit dans un paisible étang ;
Me semblent des corbeaux qui nagent dans du sang
Les plaisants promenoirs de ces longues allées,
Où tant d’afflictions ont été consolées,