Et, sans craindre en amour l'inconstance du sort,
Je menais la plus douce vie
Qu’on puisse voir passer par les mains de la Mort.
Mes sens en bonne intelligence
S’entendaient avec mes désirs,
Me recherchant mille plaisirs
D’une soigneuse diligence.
Chacun admirait mon bonheur ;
Le Ciel, pour me combler d’honneur,
Ne jurait que par mon mérite,
Et disait au sujet de mes affections
Que la terre était trop petite
Pour pouvoir contenir tant de perfections.
Mon bien était incomparable,
Ainsi que ma dame et ma foi.
Le plus content au prix de moi
Ne s’estimait que misérable.
J’étais amant, j’étais aimé ;
La douceur qui m’avait charmé
Ne me gardait point d’amertume,
Car tant plus j’en goûtais, m’y laissant emporter,
Et tant plus, contre ma coutume,
S’augmentait en mon cœur le désir d’en goûter.
Sous un climat où la nature
Montre à nu toutes ses beautés
Page:Saint-Amant - 1907.djvu/87
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.