Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/326

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CHAPITRE IX
Le Jourdain

16. Quelle joie pour le Jourdain qui se glorifie d’avoir été consacré par le baptême de Jésus-Christ, de recevoir les chrétiens dans ses eaux ! Il avait bien tort ce Syrien frappé de la lèpre (2 R V, 12), qui préférait aux fleuves d’Israël je ne sais quelle rivière de Damas, quand notre Jourdain s’est montré si souvent soumis à Dieu comme un esclave, a su modérer si miraculeusement son cours soit pour Elie, soit pour Elisée, soit encore, en remontant plus haut dans l’antiquité, pour Josué et pour tout le peuple d’Israël, à qui il laissa un passage à pied sec (2 R II, 8 ; Jos III). Après tout, où trouver un fleuve plus illustre que celui-là et comme lui consacré par une sorte de présence sensible de la Trinité ? Car sur ses bords la voix du Père se fit entendre, le Saint-Esprit se fit apercevoir et le Fils fut baptisé ? C’est donc avec raison que sur l’ordre même de Jésus-Christ, tout le peuple fidèle éprouve maintenant dans son âme, la vertu de ses eaux dont Naaman, sur le conseil du Prophète, fit l’expérience dans sa propre chair (2 R V).


CHAPITRE X
La Calvaire

17. Allons aussi sur le Calvaire où le véritable Elisée, dont ont ri des enfants insensés (2 R II, 17), donna un rire éternel à ceux dont il a dit : " Me voici, moi et les enfants que le Seigneur m’a donnés " (Is VIII, 18). O vertueux enfants, tandis que les premiers ne savaient que bafouer le Prophète, le Psalmiste excite les seconds à chanter les louanges de Dieu en leur disant : " Louez le Seigneur, vous qui êtes ses enfants, louez le nom du Seigneur " (Ps CXII, 1), afin que dans la bouche de ces vertueux enfants se trouve la louange du Très-Haut qu’avaient cessé de faire entendre les odieux enfants dont il se plaint en ces termes : " J’ai nourri des enfants et les ai élevés, et après cela ils m’ont méprisé " (Is I, 2). Notre chauve est monté sur la croix et s’est exposé aux regards du monde pour sauver le monde ; rien ne voilait sa face, rien ne couvrait son front pendant qu’il expiait nos péchés ; il n’a pas plus reculé devant l’ignominie que devant les supplices d’une mort honteuse et terrible, pour nous arracher à des supplices éternels et nous rendre à la gloire. Pourquoi nous en étonner, et pourquoi aurait-il éprouvé de la confusion, puisqu’il n’a pas lavé nos souillures comme l’eau qui les délaye et s’en charge elle-même, mais comme les rayons du soleil qui les dessèchent et demeurent toujours purs ? Car la sagesse de Dieu atteint partout, à cause de sa pureté.


CHAPITRE XI
Le Sépulcre

18. De tous les lieux saints, celui qui tient la première place en quelque sorte, qu’on désire le plus voir et où l’on ressent je ne sais quel redoublement de piété, c’est celui où le Christ reposa après sa mort plutôt que ceux où il vécut. La pensée de sa mort plus encore que celle de sa vie réveille notre piété. Je pense que cela vient de ce que l’une paraît