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Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/327

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plus austère et l’autre plus douce et que le repos et la sécurité de la mort sourient plus à la faiblesse humaine que les fatigues et la rectitude de la vie. La vie du Christ m’indique de quelle manière je dois vivre, sa mort, au contraire, me rachète de la mort ; l’une règle ma vie, l’autre est le rachat de la mort. Sa vie fut laborieuse sans doute, mais sa mort est précieuse, sans que l’une toutefois ait été moins nécessaire que l’autre. En effet, à quoi aurait servi la mort du Christ à celui qui vit mal, et sa vie à celui qui meurt en damné ? Est-ce que la mort du Sauveur peut, de nos jours, sauver de la mort éternelle ceux qui vivent dans le mal jusqu’à la mort, ou sa sainte vie a-t-elle pu sauver les saints Pères qui sont morts avant sa venue, selon ces paroles : " Quel homme pourra vivre sans mourir un jour et qui pourra soustraire son âme à la puissance de l’enfer ? " (Ps LXXXVIII, 49). Mais comme il nous est également nécessaire de vivre saintement et de mourir en pleine sécurité, il est venu par sa vie nous apprendre à vivre, et, par sa mort, rendre la sécurité à la nôtre ; il est mort pour ressusciter et nous a ainsi donné l’espérance de ressusciter aussi après notre mort. À ces deux bienfaits, il en ajouta même un troisième, sans lequel les deux autres ne pouvaient sous servir : il a effacé nos péchés. En effet, ne fussions-nous souillés que du seul péché originel, à quoi nous servirait, par rapport à la vraie et suprême félicité, la vie la plus sainte et la plus longue qui se puisse voir ? Dès que le péché est entré dans notre âme il faut que la mort le suive ; si l’homme ne l’avait point commis, il n’aurait jamais connu la mort.

19. C’est donc par le péché qu’il a perdu la vie et mérité la mort : Dieu le lui avait prédit, et il était juste par conséquent qu’il mourût s’il péchait ; est-il, en effet, rien de plus juste que la peine du talion ? De même que l’âme est la vie du corps, Dieu est la vie de l’âme ; en péchant volontairement il a perdu volontairement la vie, mais c’est bien contre son gré qu’il a perdu en même temps le pouvoir d’entretenir même la vie. Il a spontanément repoussé la vie quand il n’a plus voulu vivre, il ne pourra plus désormais la donner à qui que ce soit quand même il le voudrait. L’âme n’a plus voulu être gouvernée par Dieu, elle ne pourra plus désormais gouverner elle-même son corps ; si elle ne veut pas se soumettre à son supérieur, pourquoi son esclave lui obéirait-il ? Le Créateur a trouvé la créature rebelle à ses volontés, n’est-il pas juste que la créature trouve sa servante révoltée contre elle ? L’homme a transgressé la loi de Dieu, il doit trouver maintenant dans ses membres une loi qui se trouve en révolte ouverte contre celle de l’esprit et qui la captive elle-même sous la loi du péché. Or, il est dit (Is LIX) que le péché élève une séparation entre Dieu et nous, il s’ensuit que la mort, à son tour, met aussi une séparation entre notre corps et nous. C’est le péché qui a séparé notre âme de Dieu, de même la mort la sépare de notre corps. En quoi donc la vengeance est-elle plus sévère que la faute, puisque l’âme ne souffre de son esclave que ce qu’elle s’est permis la première de faire souffrir à son auteur ? Pour moi je ne trouve rien de plus juste que la mort engendre la mort, que la mort de l’esprit entraîne celle du corps, la mort du péché celle du châtiment, la mort qui est née de notre volonté celle qui s’impose à notre volonté.

20. L’homme donc se