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Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/221

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Ayant quitté la gloire et les combats,
Devers Paris avait pressé ses pas.
Pour cet assaut, tout fier il se présente,
Et le Héros, vain dans sa lâcheté,
Ne croyait point à la fatalité.
Il espérait que le Destin mobile
Honorerait sans danger sa vertu.
Il porte au ciel un regard abattu.
En s’écriant, dans le grand goût d’Achille,
Puisse ce bras honorer mon pays,
Et dans ces murs rapporter un trophée
Baigné du sang des lâches ennemis !

Par la terreur sa harangue étouffée,
N’éveilla point l’ombre du grand Ajax,
Et du Héros, père d’Astianax.
D’un air altier le poltron se retire,
Marche en triomphe, et tout bas il soupire.
Nous reverrons Paris dans quelques jours :
Je vous devais quelques contes d’amours.
Cherchons Nicette, amante fugitive.
Quel bord désert entend sa voix plaintive ?
En peu de mots le fil je reprendrai
De son histoire ; elle sera succincte.
Depuis ce temps elle a toujours pleuré.
Les cieux jaloux ont repoussé sa plainte ;
Elle gémit dans l’ombre des forêts.
De ce séjour le vide et le silence
Quelques instants lui rendaient l’espérance,
Et plus souvent encore ses regrets.
Anachorète, et sensible et profane,
Elle n’avait que les bois et son âne
Pour confidens de ses tendres soucis.
L’âne aurait pu consoler ses ennuis ;
Mais ma Nicette, entière à sa douleur,
De Jeanne d’Arc n’avait point la candeur.
Je ne sais point si l’âne avait su prendre
Pour sa beauté quelque sentiment tendre.
Dans la forêt, languissant il se perd.