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Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/327

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est une hospitalité religieuse, c’est celle qui recueille celui que la nature lui envoie ; c’est le bien­fait le plus sublime qui se puisse rendre dans le monde. Il est le moins intéressé ; il est perdu pour le cœur d’une mère.

Une fille que la faiblesse a trompée n’est point criminelle envers les lois de son pays ; les lois seules sont coupables envers elle. Un préjugé la déshonore, elle n’est que malheureuse.

Les lois sont coupables encore envers le bâtard ; elles persécutent un misérable qu’elles devraient consoler.

Plus les mœurs sont gâtées, plus l’opinion est sévère ; une bonne constitution confond les préjugés et guérit les mœurs.

Les lois règnent sans force partout où les mœurs civiles sont tyrannisées.

CHAPITRE XII.

DES FEMMES

Chez les peuples vraiment libres, les femmes sont libres et adorées, et mènent une vie aussi douce que le mérite leur faiblesse intéressante. Je me suis dit quelquefois dans la capitale : hélas ! chez ce peuple esclave, il n’est point une femme heureuse, et l’art avec lequel elles ménagent leur beauté ne prouve que trop que notre infamie leur a fait quitter la nature ; car à la modestie d’une femme, on reconnaît la candeur de son époux.

Chez ce peuple philosophe et volage, tout le monde n’aimait plus que soi à force de mépriser les autres et de se mépriser soi-même ; tout le monde portait un cœur faux sous l’hermine et la soie, et les caresses des époux mêmes étaient dissimulées.

Dans vingt ans, je verrai sans doute avec bien de la joie ce peuple, qui recouvre aujourd’hui sa liberté, recouvrer peu à peu ses mœurs.

Nos enfants rougiront peut-être des tableaux efféminés de leurs pères. Moins énervés que nous par la débauche et le repos, leurs passions seront moins brutales que les nôtres,