Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/344

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La loi qui fixe la couronne de France dans la maison régnante, de mâle en mâle, à l’exclusion des femmes, a rendu la loi salique, par rapport au trône seulement, au sens des Germains ; ce n’est point la terre qui appartient au mâle, c’est le mâle qui appartient librement à la terre. Il est dans l’esprit de cette loi que les branches de la maison des Bourbons actuellement régnantes en Europe n’aient aucun droit sur la couronne, car, comme je l’ai dit, elle n’appartient point aux Bourbons.

Il serait pareillement insensé qu’un peuple libre passât dans la main des étrangers ou des femmes ; les uns haïraient la constitution, les autres seraient plus aimées que la liberté.

La loi qui exclut les étrangers est favorable au droit des gens ; l’extinction de la souche régnante allumerait toute l’Europe.

La loi des Germains ressemble fort à celle de Lycurgue qui ordonnait que les filles fussent mariées sans dot, mais elles ne se ressemblent qu’en apparence. La loi de Lycurgue venait de la pauvreté et de certaines mœurs de Lacédémone ; celle des Germains dérivait de la simplicité ; ni l’une ni l’autre de ces lois ne convient à la France : l’une ne fait que des guerriers, l’autre que des soldats, et toutes deux ensemble que des tyrans.

Les barbares, qui n’en avaient que le nom, instituèrent le rappel pour tempérer la loi salique ; après la conquête la constitution changea, la loi salique se corrompit. Les raisons politiques qui liaient le mâle à la glèbe n’existent point dans l’état politique de la France ; il n’en est pas ainsi de la couronne ; la terre, dans l’état civil, est la propriété des sujets, mais un peuple ne peut appartenir à personne qu’à lui-même ; il peut se donner un chef, mais point de maître, et le contrat qui engagerait sa liberté ou sa propriété est rompu par la nature.

Le monarque, en France, appartient à la patrie, cette loi est précieuse pour la liberté ; il peut renoncer à la couronne, elle est une dignité et point un caractère.