Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/358

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guerre à l’ambition ; c’est lui qui disait à peu près qu’il s’ennuyait de la célébrité d’un inconnu.

Marat eût été un Scythe à Persépolis ; sa pénétration fut ingénieuse à chercher de la profondeur aux moindres démarches des hommes ; il eut une âme pleine de sens mais trop inquiète.

Villain d’Aubigny, de la section des Tuileries, fut moins connu parce qu’il n’écrivait point, mais il discourait avec vigueur.

Carra eut trop d’esprit pour la liberté ; il n’eut point assez de sang-froid contre le flegme des fripons.

Mercier déploya le courage qu’avait persécuté le despotisme, mais la légèreté d’une gazette convenait peu à la fierté de son caractère.

Danton fut plus admirable par sa fermeté que par ses discours pleins de force.

Je ne parle point des Lameth, des Mirabeau, des Robespierre, dont l’énergie, la sagesse et l’exemple donnèrent beaucoup de force aux nouvelles maximes.

Ces écrivains et ces orateurs établirent une censure qui fut le despotisme de la raison et presque toujours de la vérité : les murs parlaient, les intrigues devenaient bientôt publiques, les vertus étaient interrogées, les cœurs fondus au creuset.

CHAPITRE XV.

DU MONARQUE ET DU MINISTÈRE

Les uns croyaient qu’être libres c’était ne plus avoir d’intendants, de commis, de corvées, de chasses exclusives ; là se bornait l’égoïsme des esclaves ; d’autres, qui ne consultaient que leur vertu et leur folie, crurent qu’il ne fallait ni rois, ni ministres ; c’était le délire des gens de bien ; mais qu’on se figure ce que fût devenue la liberté si l’aristocratie eut mis à la place des ministres du pouvoir exécutif les comités de la puissance législative, si au lieu d’être des bureaux passifs déjà redoutables c’eût été des magistratures.

La sagesse ne pouvait mettre une trop forte barrière