Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/406

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Voilà les considérations qu’un peuple généreux et républicain ne doit pas oublier dans le jugement d’un roi.

On nous dit que le roi doit être jugé par un tribunal comme les autres citoyens... Mais les tribunaux ne sont établis que pour les membres de la cité ; et je ne conçois point par quel oubli des principes des institutions sociales un tribunal serait juge entre un roi et le souverain ; comment un tribunal aurait la faculté de rendre un maître à la patrie, et de l’absoudre, et comment la volonté générale serait citée devant un tribunal.

On vous dira que le jugement sera ratifié par le peuple. Mais si le peuple ratifie le jugement, pourquoi ne jugerait-il pas ? Si nous ne sentions point tout le faible de ces idées, quelque forme de gouvernement que nous adoptassions, nous serions esclaves ; le souverain n’y serait jamais à sa place, ni le magistrat a la sienne, et le peuple serait sans garantie contre l’oppression.

Citoyens, le tribunal qui doit juger Louis n’est point un tribunal judiciaire : c’est un conseil, c’est le peuple, c’est vous : et les lois que nous avons à suivre sont celles du droit des gens. C’est vous qui devez juger Louis ; mais vous ne pouvez être à son égard une cour judiciaire, un juré, un accusateur ; cette forme civile de jugement le rendrait injuste ; et le roi, regardé comme citoyen, ne pourrait être jugé par le citoyen avant son crime ; il ne pouvait voter ; il ne pouvait porter les armes ; il l’est encore moins depuis son crime. Et par quel abus de la justice même en feriez-vous un citoyen, pour le condamner ? Aussitôt qu’un homme est coupable, il sort de la cité ; et, point du tout, Louis y entrerait par son crime. Je vous plus : c’est que si vous déclariez le roi simple citoyen, vous ne pourriez plus l’atteindre. De quel engagement de sa part lui parleriez-vous dans le présent ordre des choses ?

Citoyens, si vous êtes jaloux que l’Europe admire la justice de votre jugement, tels sont les principes qui le doivent déterminer ; et ceux que le comité de législation