Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/407

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vous propose seraient précisément un monument d’injustice. Les formes, dans le procès, sont de l’hypocrisie ; on vous jugera selon vos principes.

Je ne perdrai jamais de vue que l’esprit avec lequel on jugera le roi sera le même que celui avec lequel on établira la République. La théorie de votre jugement sera celle de vos magistratures. Et la mesure de votre philosophie, dans ce jugement, sera aussi la mesure de votre liberté dans la Constitution.

Je le répète, on ne peut point juger un roi selon les lois du pays, ou plutôt les lois de cité. Le rapporteur vous l’a bien dit ; mais son idée est morte trop tôt dans son âme ; il en a perdu le fruit. Il n’y avait rien dans les lois de Numa pour juger Tarquin, rien dans les lois d’Angleterre pour juger Charles Ier : on les jugea selon le droit des gens ; on repoussa la force par la force, on repoussa un étranger, un ennemi. Voilà ce qui légitima ces expéditions, et non point de vaines formalités, qui n’ont pour principe que le consentement du citoyen, par le contrat.

On ne me verra jamais opposer ma volonté particulière à la volonté de tous. Je voudrai ce que le peuple français, ou la majorité de ses représentants voudra, mais comme ma volonté particulière est une portion de la loi qui n’est point encore faite, je m’explique ici ouvertement.

Il ne suffit pas de dire qu’il est dans l’ordre de la justice éternelle que la souveraineté soit indépendante de la forme actuelle de gouvernement, et d’en tirer cette conséquence, que le roi doit être jugé ; il faut encore étendre la justice naturelle et le principe de la souveraineté jusqu’à l’esprit même dans lequel il convient de le juger. Nous n’aurons point de République sans ces distinctions qui mettent toutes les parties de l’ordre social : dans leur mouvement naturel, comme la nature crée la vie de la combinaison des éléments.

Tout ce que j’ai dit tend donc à vous prouver que Louis XVI doit être jugé comme un ennemi étranger. J’ajoute qu’il n’est pas nécessaire que son jugement à mort soit soumis à la sanction du peuple ; car le peuple