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Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/42

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Quand tout à coup il se trouve enfermé.
Le cœur humain est né pour la faiblesse,
Et l’héroïsme est un joug qui l’oppresse.
Le Chevalier commença par jurer,
Par braver tout, et finit par pleurer.
Dans le château quand Linde fut entrée,
Le ravisseur, la tenant par la main,
La conduisit, interdite, éplorée,
En certain lieu lugubre et souterrain ;
Puis il s’en fut. Il paraît à sa place
Un gros Hermite enflammé par la grâce,
À la lueur d’un lustre de cristal.
Ses yeux brillaient d’un éclat infernal ;
Le Moine en rut, dans sa rage cinique,
Sur ses appas porte une main lubrique ;
D’un bras nerveux à terre il vous l’étend,
Et Linde en pleurs criait : Mon Révérend !
Ce fut en vain : d’une moustache rude
Il va pressant sa bouche qui l’élude,
Et sa main dure, en ces fougueux transports,
De ce beau sein meurtrissait les trésors.
Linde mourait de plaisir et de rage,
Le maudissait en tortillant du cu,
Et quelquefois oubliait sa vertu.
Oh ! qu’il est doux, dans le feu du bel âge,
Pour un tendron, à son penchant livré,
De recevoir sur ses lèvres brûlantes
Mille baisers d’un amant adoré,
De le presser en des mains caressantes,
De se livrer et se laisser charmer !
Mais qu’il est triste, hélas ! de se confondre
Avec quelqu’un qu’on ne saurait aimer,
De se sentir à regret enflammer,
Et malgré soi brûler et lui répondre !
Linde pleuroit dans les bras du vilain.
Après qu’il eut sa luxure assouvie,
Il l’emmena sur une tour d’airain,
Qui commandait à toute la prairie.