Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/423

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courage et de sa vertu ! Ô vous aussi, qui paraissez les juges les plus austères de l’anarchie, vous ne ferez point dire de vous, sans doute, que votre rigueur était pour le peuple, et votre sensibilité pour les rois ! Il ne nous est plus permis de montrer de faiblesse : nous qui demandions Fexil des il Hirbons, si l’on exile ceux qui sont innocents, combien ne livons-nous pas être inflexibles pour ceux qui sont coupables !

S’il était un ami de la tyrannie qui pût m’entendre, et qu’il trempât secrètement dans le dessein de nous opprimer, il trouverait peut-être encore le moyen d’intéresser la pitié ; peut-être trouvera-t-il l’art de peindre les ennemis des rois comme des sauvages sans humanité; la postérité ne serait point oubliée pour toucher l’orgueil des représentants du peuple… Postérité ! tu béniras tes pères ; tu sauras alors ce qu’il leur en aura coûté pour être libres; leur sang coule aujourd’hui sur la poussière que doivent animer tes générations affranchies !

Tout ce qui porte un cœur sensible sur la terre respectera notre courage : quel peuple aura jamais fait de plus grands sacrifices à la liberté ! Quel peuple a été plus trahi ! Quel peuple a été moins vengé ! Que le roi même interroge son cœur ; comment a-t-il traité dans sa puissance ce peuple, qui n’est que juste et qui n’est que grand aujourd’hui ?

Quand vous délibérates la première fois sur ce jugement, je vous avais dit, Citoyens, qu’un roi n’était point dans l’État, et que, quelque convention qui se fût passée entre le peuple et lui, outre que cette convention était illégitime, rien n’avait engagé le souverain, qui par sa nature est au-dessus des lois. Et cependant vous êtes érigés en tribunal civil, et le souverain est à la barre avec ce roi, qui plaide et se défend devant vous !

Vous l’avez permis, qu’on portât cette atteinte à la majesté du peuple ! Louis a rejeté ses attentats sur des ministres qu’il opprimait et qu’il trompait lui-même. Sire, écrivait Mourgues au roi le 16 juin 1792, je vous donne ma démission ; les résolutions particulières de Votre Majesté m’empêchent dans l’exécution des lois. Une autre fois, Mourgues