Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/455

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Le même jour, les divisions cesseront ; les factions, accablées, ploieront sous le joug de la liberté ; les citoyens retourneront à leurs ateliers, à leurs travaux, et la paix, régnant dans la République, fera trembler les rois.

Soit que vous fassiez la paix ou que vous fassiez la guerre, vous avez besoin d’un gouvernement vigoureux : un gouvernement faible et déréglé qui fait la guerre, ressemble à l’homme qui commet quelque excès avec un tempérament faible ; car en cet état de délicatesse où nous sommes, si je puis parler ainsi, le peuple français a moins d’énergie contre la violence du despotisme étranger ; les lois languissent, et la jalousie de la liberté a brisé ses armes. Le temps est venu de sevrer cette liberté et de la fonder sur ses bases. La paix et l’abondance, la vertu publique, la victoire, tout est dans la vigueur des lois ; hors des lois, tout est stérile et mort.

Tout peuple est propre à la vertu et propre à vaincre ; on ne l’y force pas, on l’y conduit par la sagesse. Le Français est facile à gouverner ; il lui faut une Constitution douce, sans qu’elle perde rien de sa rectitude. Ce peuple est vif et propre à la démocratie ; mais il ne doit pas être trop lassé par l’embarras des affaires publiques ; il doit être régi sans faiblesse, il doit l’être aussi sans contrainte.

En général, l’ordre ne résulte pas des mouvements qu’imprime la force. Rien n’est réglé que ce qui se meut par soi-même et obéit à sa propre harmonie ; la force ne doit qu’écarter ce qui est étranger à cette harmonie. Ce principe est applicable surtout à la constitution naturelle des empires. Les lois ne repoussent que le mal ; l’innocence et la vertu sont indépendantes sur la terre.

J’ai pensé que l’ordre social était dans la nature même des choses, et n’empruntait de l’esprit humain que le soin d’en mettre à leur place les éléments divers ; qu’un peuple pouvait être gouverné sans être assujetti, sans être licencieux, et sans être opprimé ; que l’homme naissait pour la paix et pour la liberté, et n’était malheureux et corrompu que par les lois insidieuses de la domination.

Alors j’imaginai que si l’on donnait à l’homme des lois