Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/47

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Ne sentent plus de main qui les réprime,
Des cieux profonds escaladent la cîme ;
Leur frein rougit d’une écume de feu,
Leur crin se dresse, ils s’agitent, hennissent,
Et par les airs, d’un pied fougueux bondissent :
Le char s’ébranle, et la foudre s’émeut ;
Son roulement remplit au loin le vide.
Frappe le ciel, emporte les coursiers.
Qui, furieux, impétueux, légers.
Enflamment l’air dans leur course rapide.
Des Chevaliers qui regagnaient le camp.
Virent de loin ce spectacle frappant.
Chacun avait sa douce amie en croupe
Loyalement, et l'amoureuse troupe
Allait errant et par monts et par vaux.
Anes la nuit, et le jour des Héros.
Trois ils étaient, le Sire de Narbonne,
Guy de Bretagne, Etienne de Péronne ;
Tous fort courtois et loyaux Paladins,
Cherchant par-tout les hautes aventures.
Couverts d’honneur, de fange et de blessures ;
Car nos aïeux, comme nous, étaient vains,
Braves, légers, et de la renommée.
D’un nez avide avalant la fumée :
Jusques au bout les Gaulois seront ains.
Le Chevalier Etienne de Péronne,
Avecque lui belle Dame menait,
Qu’à fétoyer les gens il obligeait,
Comme charmante et benoîte personne.
Qui des humains les autels méritaient.
Cettuite dame, on l’appelait Folie ;
Son œil était égaré, mais fripon.
Telle devrait se montrer la Raison ;
Elle plairait par la supercherie.
Et ferait plus, par un coin de teton,
Qu’avec Socrate, et Jésus, et Platon.
Folie est sotte ; oui, mais elle est jolie ;
Elle suivait en croupe le Héros,