Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/343

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reste ! On apprendra à devenir modeste, on s’élancera vers la solide gloire et le solide bien, qui sont la probité obscure. Le peuple français ne perdra jamais sa réputation : la trace de la liberté et du génie ne peut être effacée dans l’univers. Opprimé dans sa vie, il opprime après lui les préjugés et les tyrans. Le monde est vide depuis les Romains, et leur mémoire le remplit et prophétise encore la liberté.

Pour vous, après avoir aboli les factions, donnez à cette République de douces mœurs. Rétablissez dans l’état civil l’estime et le respect individuel. Français, soyez heureux et libres, aimez-vous, haïssez tous les ennemis de la République, mais soyez en paix avec vous-mêmes. La liberté vous rappelle à la nature, et l’on voulait vous la faire abandonner ! n’avez-vous point d’épouses à chérir, d’enfants à élever ? respectez-vous mutuellement !

Et vous, représentants du peuple, chargez-vous du gouvernement suprême, et que tout le monde jouisse de la liberté au lieu de gouverner. La destinée de vos prédécesseurs vous avertit de terminer votre ouvrage vous-mêmes, d’être sages et de propager la justice sans courir à la renommée ; semblables à l’Être suprême, qui met le monde en harmonie sans se montrer : le bien public est tout, mais pour la renommée, elle n’est rien.

Barnave fut porté en triomphe sous vos fenêtres : où est-il ?

Ceux que j’ai dénoncés n’ont jamais connu de patrie ; ils se sont enrichis par des forfaits, et ce n’est point leur faute si vous existez. Il n’est point de crime qu’ils n’aient protégé, point de traître qu’ils n’aient excusés : avares, égoïstes, apologistes des vices, rhéteurs, et non pas amis de la liberté, la république est incompatible avec eux, ils ont besoin des jouissances qui s’acquièrent aux dépens de l’égalité ; ils sont insatiables d’influence. Les rois comptent sur eux pour vous détruire : à quelles protestations pourriez-vous croire de la part de ceux qui, pressant la main sacrilège de Dumouriez, lui jurèrent une amitié éternelle ? serment qui fut gardé : la Belgique et l’armée, vous et l’Europe, en êtes témoins.

Il y a donc eu une conjuration tramée depuis plusieurs années pour absorber la Révolution Française dans un chan-