Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/495

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gues, de l’armée de Sambre-et-Meuse, 18 000 hommes pour cette expédition. On ne m’en prévint pas, pourquoi ? Si cet ordre, donné le 1er messidor, s’était exécuté, l’armée de Sambre et Meuse était forcée de quitter Charleroi, de se replier peut-être sous Philippeville et Givet, et d’abandonner Avesnes et Maubeuge. Ajouterai-je que cette armée était devenue la plus importante ?

L’ennemi avait conduit devant elle toutes ses forces, on la laissait sans poudre, sans canons, sans pain. Des soldats y sont morts de faim en baisant leur fusil. Un agent, que mes collègues et moi envoyâmes au Comité pour demander des munitions ne fut point reçu comme j’aurai été sensiblement flatté qu’il le fût, et je dois cet éloge à Prieur, qu’il parut sensible à nos besoins. Il fallait vaincre, on a vaincu.

La journée de Fleurus a contribué à ouvrir la Belgique. Je désire qu’on rende justice à tout le monde, et qu’on honore des victoires, mais non point de manière à honorer davantage le gouvernement que les armées, car il n’y a que ceux qui sont dans les batailles qui les gagnent, et il n’y a que ceux qui sont puissants qui en profitent. Il faut donc louer les victoires et s’oublier soi même.

Si tout le monde avait été modeste et n’avait point été jaloux qu’on parlât plus d’un autre que de soi, nous serions fort paisibles, on n’aurait point fait violence à la raison pour amener des hommes généreux au point de se défendre pour leur en faire un crime.

L’orgueil enfante les factions. C’est par les factions que les gouvernements voisins d’un peuple libre attaquent sa prospérité. Les factions sont le poison le plus terrible de l’ordre social, elles mettent la vie des bons citoyens en péril par la puissance de la calomnie, lorsqu’elles règnent dans un état, personne n’est certain de son avenir, et l’empire qu’elles tourmentent est un cercueil. Elles mettent en problème le mensonge et la vérité, le vice et la vertu, le juste et l’injuste : c’est la force qui fait la loi. Si la vertu ne se montrait parfois, le tonnerre à la main, pour rappeler tous les vices à l’ordre, la raison de la force serait