Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/511

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raient d’autant plus d’intérêt à le faire qu’ils auraient tout à craindre de l’exemple et de la population de cette société indépendante.

L’ordre social, dit très bien Rousseau, est la première de toutes les lois. Un peuple, quelle que soit son administration, doit vivre avec les peuples qui l’entourent, comme ils vivent avec lui. À proprement parler, il n’existe point de rapports entre les nations ; elles n’ont que des intérêts respectifs, et la force fait le droit entre elles.

Ce n’est pas qu’en prenant en elles-mêmes les idées de justice, on ne trouve entre les peuples des principes de morale et de raison qu’ils doivent respecter ; mais ces idées-là n’ont point de sanction. Un peuple ne peut pas déclarer la guerre à ses voisins, s’il n’a quelque sujet de s’en plaindre ; mais, s’il leur fait une guerre inique, qui peut l’en empêcher ?

Une considération qui, selon quelques-uns, légitime la guerre et le droit de conquête, c’est de savoir ce que doit devenir l’excès de population d’un peuple, lorsque le sol ne suffit plus à ses besoins. Faut-il qu’un peuple égorge sa jeu¬nesse, pour ne point troubler la paix étrangère ? Ou faut-il que, par des institutions criminelles, comme à Lacédémone, il prévienne son accroissement ? Il suit de là qu’il existe au moins une loi morale entre les peuples : c’est l’inutilité de conquérir, tant que le sol leur suffit.

De cette idée, que la guerre est légitime par cette nécessité de conquérir, semble découler le principe de la dissolution des premières sociétés, et la preuve que les hommes sont naturellement dans un état de guerre. Car on en peut induire que, les familles s’étant accrues, l’homme au sein d’une petite société s’arma contre l’homme pour étendre son champ, et qu’il fallut une loi politique pour comprimer cette violence intérieure.

Mais si l’on examine que la férocité de peuple à peuple tient à leur isolement, et que d’homme à homme tout est identité ; si l’on examine que le mouvement qu’occasionnerait entre les hommes leur trop grand nombre se porterait comme un tourbillon aux extrémités et ne réagirait point