Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/510

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politique forme un pacte social. Mais quelle violence, quelle faiblesse dans ce corps dénué de liaisons, dont le mécanisme stérile est comme un arbre dont les racines et les branches suspen¬dues ne toucheraient pas le tronc ! Ces sociétés ressemblent à des traités de pirates qui n’ont d’autre garantie que le sabre. Ces brigands ont aussi un pacte social sur leurs navires.

On a mal appliqué le principe politique : il n’appartenait qu’au droit des gens, c’est-à-dire qu’il était de peuple à peuple. Cela même est une loi de nos institu¬tions : ce ne sont point les hommes, mais les États qui se font la guerre.

Il n’y a guère lieu de concevoir maintenant que les peuples, renonçant à leur orgueil politique, tant qu’ils seront régis par le pouvoir, se remettent sous la loi de la nature et de la justice ; que, venant à s’envisager comme les membres d’une même famille, ils retranchent de leur cité l’esprit particulier qui les rend ennemis, et l’amour des richesses qui les ruine. Les âmes bienfaisantes qui se livrent à ces illusions connaissent peu toute l’étendue du chemin que nous avons fait hors de la vérité. Ce rêve, s’il est possible, n’est que dans un avenir qui n’est point fait pour nous.

Il faut donc, sans chercher inutilement à mettre des rapports de société entre les peuples, se borner à les rétablir entre les hommes. Ces peuples, plus ou moins éclairés, plus ou moins opprimés, ne peuvent en même temps recevoir les mêmes lois. Il en est autrement d’une république où toutes choses ont une progression commune.

Cependant, un peuple qui se réforme et se donne des lois véritablement humaines, entouré de peuples inhumains, doit, pour la durée de sa propre harmonie, ôter de sa politique extérieure tout ce qu’il peut sagement en ôter sans compromettre l’État. Car un peuple qui se gouvernerait naturellement et renon¬cerait aux armes serait bientôt la proie de ses voisins ; et, si ce peuple renonçait au luxe et au commerce pour une vie simple, ses voisins s’enrichiraient de ses privations, et deviendraient si puissants qu’ils l’accableraient bientôt. Les maîtres qui les dominent au-