Aller au contenu

Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, II, 1908.djvu/525

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

acheter les produits. Celui qui avait acheté à l’État un arpent de terre six cents livres lui vendit trois cents livres son produit, au lieu de trente livres, au pied de cinq pour cent. Cette ingratitude envers la patrie, qui avait amené l’État à acheter les produits plus cher qu’il n’avait vendu les fonds, contraignit d’user de lois pénales.

L’étranger, de vicissitudes en vicissitudes, nous avait conduits à ces extrémités : lui-même il en suggéra le remède. La première idée des taxes est venue du dehors, apportée par le baron de Batz : c’était un projet de famine. Il est très généralement reconnu aujourd’hui dans l’Europe que l’on comptait sur la famine pour exciter le courroux populaire, sur le cour¬roux populaire pour détruire la Convention, et sur la dissolution de la Convention pour déchirer et démembrer la France.

Ouvrez l’histoire, et voyez quel fut partout l’effet des taxes. Julien l’empereur, ayant taxé les denrées à Antioche, y excita une affreuse famine. Pourquoi ? Non parce que la loi des taxes était mauvaise, mais parce que les hommes étaient avares. Et ce qui fait que tout le monde achète sans frein, lorsque tout est taxé, et ce qui fait que personne ne veut vendre, et ce qui fait que l’on vend cher, tout cela dérive de la même avarice et corruption.

La circulation des denrées est nécessaire, là où tout le monde n’a pas de propriété et de matières premières. Les denrées ne circulent point là où l’on taxe. Si vous taxez, sans que les mœurs soient réformées, l’avarice s’ensuit. Pour réformer les mœurs, il faut commencer par contenter le besoin et l’intérêt ; il faut donner quel¬ques terres à tout le monde.

Il faut, par la même raison, un domaine et des revenus publics en nature.

Je défie que la liberté s’établisse, s’il est possible qu’on puisse soulever les malheureux contre le nouvel ordre de choses ; je défie qu’il n’y ait plus de mal¬heureux, si l’on fait en sorte que chacun ait des terres.

Là où il y a de très gros propriétaires, on ne voit que des pauvres : rien ne se consomme dans les pays de grande culture.