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Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/28

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Toi qui sçais de nos champs admirer les beautés ;
Dérobe-toi, Doris, au luxe des cités,
Aux arts dont tu jouis, au monde où tu sçais plaire ;
Le printems te rappelle au vallon solitaire ;
Heureux si près de toi je chante à son retour
Ses dons & ses plaisirs, la campagne & l’amour !
L’homme s’éveille encor à la voix des tempêtes,
Mais le sombre ouragan qui mugit sur nos têtes
Traversa du midi les sables & les mers ;
Les feux & les vapeurs qu’il répand dans les airs,
S’assemblent dans leur course, & forment ces nuages
Dont les flots tempérés inondent nos rivages ;
Sur les côteaux blanchis, & sur les champs glacés
Ils fondent, en tombant, les frimats entassés.
J’entends déja des monts les neiges écoulées
En torrents orageux rouler dans les vallées.
Les fleuves déchaînés sortent de leurs canaux,
Ils brisent les glaçons qui flottent sur leurs eaux.
Neptune a soulevé ses plaines turbulentes,
La mer tombe & bondit sur ses rives tremblantes ;
Elle remonte & gronde, & ses coups redoublés
Font retentir l’abyme & les monts ébranlés.
Sous un ciel ténébreux Borée & le zéphyre,
Des airs qu’ils ont troublés se disputoient l’empire,
Et des champs dévastés, les tristes habitants
Les yeux levés au ciel demandoient le printems.
Mais les sombres vapeurs qui retardent l’aurore
S’entr’ouvrent aux raïons du soleil qui les dore ;
L’astre victorieux perce le voile obscur
Qui nous cachoit son disque & le céleste azur.
Il se peint sur les mers, il enflamme les nues ;
Les groupes variés de ces eaux suspendues,
Dispersés par les vents, entassés dans les cieux,
Y forment au hazard un cahos radieux.
A peine ce beau jour succède à l’ombre humide,
Le berger vigilant, l’agriculteur avide
De la nature oisive observent le réveil,
Et loin de leurs foyers vont jouir du Soleil.