Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/29

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L’un voit en souriant ces prés, ce pâturage,
Où bondiront encor les troupeaux du village ;
L’autre s’arrête, & pense auprès de ces guérets
Où sa main déposa les trésors de Cérès.
Déja Progné revient, & cherche à reconnoître
Le toît qu’elle habita, les murs qui l’ont vu naître ;
Le peuple aîlé des bois s’essayant dans les airs,
D’un vol timide encor rase les champs déserts ;
Il s’anime, il s’égaye, & d’une aîle hardie
Il s’élance, en chantant, vers l’astre de la vie.
Et toi, brillant soleil, de climats en climats
Tu poursuis vers le nord la nuit & les frimats ;
Tu répands devant toi l’émail de la verdure :
En précédant ta route il couvre la nature,
Et des bords du Niger, des monts audacieux
Où le Nil a caché sa source dans les cieux,
Tu l’étends par degrés de contrée en contrée
Jusqu’aux antres voisins de l’onde hyperborée.
En tapis d’éméraude, il borde les ruisseaux,
Il monte des vallons aux sommets des côteaux.
Cet émail qui rassemble & la lumiere & l’ombre,
Paroît à son retour plus profond & plus sombre,
Il charme les regards, il repose les yeux
Que fatigue au printems l’éclat nouveau des cieux.
Soleil, dans nos forêts ta chaleur plus active
Redonne un libre cours à la sève captive ;
Ce rapide torrent, gêné dans ses canaux,
Ouvre, pour s’échapper, l’écorce des rameaux ;
Du bouton déployé fait sortir le feuillage,
L’élève, & le répand sur l’arbre qu’il ombrage.
Le chevreuil plus tranquille est caché dans les bois.
Je ne vois plus l’oiseau dont j’écoute la voix.
O forêts, ô vallons, champs heureux & fertiles,
Quels charmes le printems va rendre à vos asyles !
O de quel mouvement je me sens agité,
Quand je reviens à vous du sein de la cité !
Je crois rentrer au port après un long orage,
Et suis prêt quelquefois d’embrasser le rivage ;