Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/31

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Ses accens variés sont suivis d’un silence
Qu’interrompt avec grace une juste cadence ;
Immobile sous l’arbre où l’oiseau s’est placé,
Souvent j’écoute encor quand le chant a cessé.
Le côteau se parfume, & la brebis charmée
Goûte du serpol& la sève ranimée ;
Les sucs spiritueux du nouvel aliment
Lui rendent la gaieté, l’ame & le mouvement :
Je la vois qui bondit sous la garde fidelle
Du chien qui la rassure en grondant autour d’elle.
La naïve bergère assise au coin d’un bois,
Et roulant le fuseau qui tourne sous ses doigts,
Porte souvent les yeux sur sa brebis chérie
Qu’un bélier obstiné poursuit dans la prairie.
Mais le printems, Doris, de moment en moment
Apporte à la nature un nouvel ornement ;
Tandis que tes regards erroient sur ces campagnes,
Le pampre a reverdi sur le front des montagnes.
Tu vantois la fraîcheur, & l’éclat des gazons ;
Et le bled qui s’élève a caché les sillons.
Hélas ! Ce beau printemps, ces sillons si fertiles
Ont prodigué la sève aux végétaux stériles !
O Cérès, ce froment dont ta main couronna
Les bords de l’Aréthuse & les vallons d’Enna,
Prêt d’être enséveli sous la plante étrangère,
Demande au laboureur un secours nécessaire ;
Il voudroit délivrer le froment opprimé,
Et par d’autres emplois son tems est consumé :
Il consulte au matin sa compagne fidelle,
Elle assemble aussi-tôt ses enfans auprès d’elle ;
L’aîné le fer en main va devancer ses pas,
Le plus jeune sourit emporté dans ses bras,
Ils partent pleins de joie, ils vont loin du village
Retrancher aux sillons leur inutile herbage.
L’enfant laborieux, mais novice en son art,
Suit sa mere en aveugle, & l’imite au hasard ;
Et le fer que conduit sa main mal assurée,
Blesse la jeune plante à Cérès consacrée ;