Il voit autour de lui ses freres empressés
Rassembler en monceaux les cailloux dispersés.
Chacun dans ce moment croit sortir de l’enfance,
Chacun de son travail relève l’importance ;
La mere d’un souris flatte leur vanité,
Applaudit à leur zele, excite leur gaieté,
Et d’un œil satisfait les voit sur la verdure
S’agiter, se jouer, croître avec la nature.
O vertueuse mere, & vous, jeunes enfants,
Suspendez vos travaux & vos jeux innocents ;
Voyez ces prés, ces champs, l’astre de la lumière
Qui sur un monde heureux prolonge sa carrière !
Des tapis de verdure il fait sortir les fleurs,
Il fait monter au ciel des nuages d’odeurs ;
Déja sur le rempart qui défend la prairie
La rose est en bouton, l’aube-épine est fleurie.
La simple marguerite étale ses beautés,
Son cercle émaillé d’or, ses raïons argentés :
L’odorant primevere élève sur la plaine
Ses grappes d’un or pâle, & sa tige incertaine.
Heureux ! Cent fois heureux, l’habitant des hameaux
Qui dort, s’éveille & chante à l’ombre des berceaux,
Et suspend les baisers qu’il donne à sa compagne
Pour lui faire admirer l’éclat de la campagne !
Il ne franchira point le vaste champ des mers
Pour chercher le bonheur dans un autre univers ;
Partez, allez braver l’élément infidelle
Vous, qu’aux portes du jour le commerce rappelle ;
L’océan solitaire attendoit vos vaisseaux,
Des flots moins élevés retombent sur les flots,
Le soleil du printems calme les vents & l’onde :
Volez des champs d’Olinde aux rives de Golconde ;
Cueillez dans l’Yemen ce fruit délicieux
Dont les sels irritants, les sucs spiritueux
Des chaînes du sommeil délivrent la pensée :
Du brûlant équateur à la zône glacée,
Chez le nègre indolent, au sauvage iroquois,
Allez porter nos arts, notre esprit & nos loix.
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