Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/37

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Le souple coudrier, & le jasmin flexible
Y formoient de concert un alcove paisible.
Raymond, loin de blâmer c& heureux changement,
Dans son jardin plus gai travailloit plus gaiment ;
Glicère y vient sans cesse, elle y conduit son père :
Les vieillards sourioient à Lindor, à Glicère ;
Souvent sous des berceaux ils trouvoient leurs enfants :
Ce spectacle agréable égayoit leurs vieux ans,
Et leur sang rallumé dans leurs veines glacées
Leur rendoit l’espérance, & de jeunes pensées.
La nature au printems prodigue à nos jardins,
Des végétaux sans nombre, aliments des humains ;
Chez Cérès & Bacchus, il faut l’attendre encore ;
Mais l’homme environné des dons brillants de flore,
Du concert des oiseaux, de parfums ravissants,
Livre son ame heureuse aux voluptés des sens.
Respectez son bonheur, ô maîtres de la terre,
Hélas ! J’ai vu souvent le démon de la guerre
S’élancer des enfers, quand Flore & les zéphirs,
Et les chantres aîlés, rappelloient les plaisirs ;
Le monstre, l’œil ardent & l’aîle ensanglantée,
Parcouroit en criant la terre épouvantée ;
Aux accens répétés de son horrible voix
Cessent les doux concerts des vergers & des bois :
Ses esclaves cruels, ministres de sa rage,
Couvrent les champs en fleurs de sang & de carnage ;
Dans les riants séjours des plaisirs les plus doux
Ils lancent le tonnerre, & tombent sous ses coups ;
Un tourbillon de feu, de flèches enflammées
Vole, s’élève, roule, & voile les armées.
Le plaisir de détruire enivre les vainqueurs ;
Au cri de la nature il a fermé les cœurs ;
Sur les toîts des hameaux qu’il embrase avec joie,
L’un suit d’un œil content le feu qui se déploie,
L’autre au sein de leur mere égorge des enfants
Qui la pressent encor de leurs bras expirants...
O féroces humains ! ô honte ! ô barbarie ! ...
Mais le Dieu des mortels a calmé leur furie ;