Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/64

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Ou sur des monts brûlants, jettés de place en place,
Ils ombragent à peine une aride surface.
Tu tiras les humains du centre des forêts,
Fixés auprès des champs, qu’ils cultivoient en paix,
Ils purent prononcer le saint nom de patrie,
Et connoître les mœurs, ornément de la vie.
Bientôt les animaux vaincus dans les déserts,
Esclaves des humains, se plurent dans nos fers.
L’homme ravit la laine à la brebis paisible ;
Le taureau lui soumit son front large & terrible ;
La génisse apporta son nectar argenté,
Aliment pur & doux source de la santé.
L’agriculture alors nourrit un peuple immense,
Et des champs aux cités fit passer l’abondance :
La victoire, les arts, la liberté, l’honneur,
Fut le partage heureux du peuple agriculteur,
Et lui seul enrichi des trésors nécessaires,
Reçut de l’étranger les tributs volontaires.
Sénat d’un peuple-roi qui mit le monde aux fers,
Conseil de demi-dieux qu’adora l’univers,
Cérès avec Bellone a formé ton génie.
Des hameaux dispersés sur les monts d’Ausonie,
Des vallons consacrés par les pas des catons,
Du champ des regulus, du toît des scipions,
S’élançoit au printems ton aigle déchaînée,
Pour annoncer la foudre à la terre étonnée.
Au retour des combats tes vertueux guerriers,
Au temple de Cérès appendoient leurs lauriers.
Les arbres émondés par le fer des émiles,
Les champs sollicités par les mains des Camilles,
De leurs dons à l’envi combloient leurs possesseurs,
Et ces fruits du travail n’altéroient point les mœurs.
Peuple qui des rochers de la Scandinavie,
Descendis en vainqueur sur l’Europe asservie ;
Tu maintiens sur tes bords les vertus des héros ;
Mais tu sais respecter l’habitant des hameaux,
Et du vil publicain, du noble tyrannique,
Il n’a point à nourrir le faste asiatique ;