Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/77

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Le corps demi-courbé, les genoux chancelants
Et l’oreille attentive, il avance à pas lents.
Près de lui, loin de lui, sa vue est occupée ;
D’un bruit sorti des eaux son oreille est frappée.
Il se glisse en rampant sous ce berceau fatal
Où l’onde, en s’étendant, arrondit son canal ;
Et là d’un œil avide, il cherche ce qu’il aime.
Il voit ; ciel ! Quel objet !.... c’étoit Lise elle-même.
Le jour du crépuscule & du globe argenté
Sous le voile des eaux éclairoit sa beauté.
Tel est dans un parterre un lys qui vient d’éclore,
Quand il brille au matin sous les pleurs de l’aurore.
Tantôt en se jouant dans les flots du bassin,
Elle étale à Damon les trésors de son sein ;
Le jais de ses cheveux, & l’eau sombre & verdâtre,
Opposés à sa gorge en relèvent l’albâtre :
Tantôt une attitude, un geste, un mouvement
Appelle sous les eaux les yeux de son amant.
Bientôt Lise à l’abri d’un dôme de feuillage,
Va prendre ses habits posés sur le rivage ;
Les voiles dépliés vont couvrir ses appas :
Damon vole, s’élance, & Lise est dans ses bras.
O Lise ! Il faut un prix à l’amour le plus tendre.
Ciel ! Où suis-je ? ô Damon ! Qu’osez-vous entreprendre ?
N’espérez rien de moi, Damon, retirez-vous.
O ma mere ! ô Lucas !.... Damon à ses genoux
Prodigue les serments, les larmes, les caresses ;
Il cherche à la tenter par d’immenses promesses :
Elle résiste à tout ; les pleurs de ses beaux yeux,
Des cris tantôt plaintifs & tantôt furieux,
Des mots qui vont au cœur, sa pudeur & sa grace,
D’un amant effréné n’arrêtoient point l’audace ;
Lise tombe à ses pieds, en lui tendant la main,
Et relèvant de l’autre un voile sur son sein,
La parole tremblante & la vue égarée :
O ciel ! Est-il donc vrai que ma honte est jurée ?
Il n’en est point, dit-il, dans les plaisirs secrets.
Quel témoin craignez-vous au fond de ces forêts ?