Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/96

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Jouissez, ô mortels, & par des cris de joie
Rendez graces au ciel des biens qu’il vous envoie :
Que la danse & les chants, les jeux & les amours,
Signalent à la fois les derniers des beaux jours.
Jouissez : mais déja la fanfare éclatante
Au peuple des forêts a porté l’épouvante ;
Le cor fait rétentir ses accens belliqueux ;
Et Diane a donné le signal de ses jeux.
O qui peut, sans regret, s’enfermer dans les villes ?
Malheureux, qui jamais n’habitez nos asyles,
Condamnés dès l’enfance à l’ombre des cités,
Laissez vos vains honneurs, vos tristes dignités ;
Dérobez-vous aux soins, au luxe, à la mollesse ;
Venez de ces moments partager l’allégresse ;
Accourez, je voudrois rassembler dans les champs
Les mortels de tout âge, & ceux de tous les rangs.
Ministres de Thémis, ou plutôt ses victimes,
Vous voyez au barreau les malheurs & les crimes,
Et vous verrez ici la joie & les vertus.
Suspendez un moment vos travaux assidus ;
Le repos vous attend à l’ombre de ces hêtres ;
Venez vous occuper des récoltes champêtres ;
Cueillir le raisin mûr au pampre des côteaux,
Ou du riche espalier dépouiller les rameaux.
Dès que l’astre du jour panché vers la balance,
Arme d’un feu plus doux les rayons qu’il nous lance,
Quand l’automne a fermé le temple de Thémis,
Mondor, loin du palais, suivi de ses amis,
Jouit de la campagne, & dans sa solitude,
De nos codes nombreux fait encor son étude ;
Il voit d’injustes loix, qu’il faudroit abroger,
Des abus à punir, des formes à changer.
Il songe à réprimer la chicane intriguante
Qui dévore avec art la foiblesse indigente ;
A défendre le pauvre au palais opprimé,
Par ce même pouvoir qu’il avoit réclamé.
Et vous de vos parents, jeune & chère espérance,
Vous à peine échappés aux périls de l’enfance,