Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/97

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Vous martyrs de l’école & de ses faux docteurs,
Quittez ces tristes bancs consacrés aux erreurs ;
Et venez dans nos champs, sans pédant & sans livre,
Connoître le plaisir & commencer à vivre.
Ici, tout vous invite à des jeux innocents,
Ici, vous jouirez des plus beaux de vos ans ;
Venez y prendre part aux plaisirs de l’automne,
Il calme, il rafraîchit l’air qui nous environne,
Il couvre de vapeurs le vaste firmament,
Et ce voile plombé reste sans mouvement.
Le soleil est caché, mais son disque invisible
Porte un jour tendre & doux sur le monde paisible.
L’homme respire enfin sous un ciel tempéré ;
Des feux d’un globe ardent il n’est plus dévoré ;
Il ne craint point encor les vents & la froidure,
Et sans sentir les airs il parcourt la nature ;
Il y voit des trésors & la variété
Qui paroit le printems, & qui manque à l’été.
De combien de couleurs l’automne à son passage
Des vergers & des bois a semé le feuillage ?
Il laisse leur verdure aux cimes des ormeaux ;
De l’arbre de Pomone il dore les rameaux ;
L’arbre de Cérasonte aux gazons des prairies
Oppose l’incarnat de ses branches flêtries.
Quel calme sur les eaux, dans les bois & les airs !
Quel silence étendu règne sur l’univers !
L’alcion s’est fixé sur des roseaux tranquilles,
Ou raze, en se jouant, les ondes immobiles :
Le peuple des hameaux, des champs & des forêts,
Moins ému, moins bruyant, semble jouir en paix.
Sa volupté moins vive est encor douce & pure ;
Moi, je partage ici la paix de la nature ;
Dans ces heureux vallons, sur ces riches côteaux,
J’ai senti le plaisir, je jouis du repos.
Automne, ciel tranquille, agréables retraites,
Vous calmez de nos cœurs les ardeurs inquiètes ;
Puisse à ce doux repos que je goûte aujourd’hui
Ne succéder jamais le tourment de l’ennui !